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JULIEN DORÉ Album « Bichon »
C’est son deuxième disque. Dans l’histoire d’une discographie, nous le savons tous, le deuxième album est toujours synonyme de complexité, de questionnements intenses, de peur de ne plus avoir cette virginité confondante. Surtout quand le premier fut un succès. Julien Doré a mis trois ans pour revenir à lui-même. Et à comprendre que l’on appartient d’abord à soi-même. Mais lorsqu’il parle de ses nouvelles chansons il est possédé, habité par une fusion charnelle avec son disque.
C’est le résultat du vertige d’une vie soudainement pleine, parfois psychologiquement difficile, souvent émotionnellement extrême. On peut avoir fait les Beaux-arts, avoir travaillé dans une société de manutention, réussir un casting de télé réalité, devenir la « nouvelle star » de France, jouer, poser, chanter, surprendre, on n’échappe pas à sa condition humaine. Julien Doré sans sa guitare se meurt, ou alors il déborde à en crever.
C’est finalement toute l’histoire de ce deuxième disque qui raconte cette nécessité de composer et d’écrire pour respirer. Et forcément ça change la donne. Plus question de démontrer quoi que ce soit, plus envie de se risquer à être ce que l’on n’est pas. Julien Doré s’incarne dans son album qu’il a voulu direct, frontal, sexy, paradoxal. Son nouveau disque est son double réfléchissant, sa doublure pop, son reflet psychologique. Julien Doré est tout le temps dans cet « entre deux ». Entre deux rives, entre variété et indie, « Libé » et Lautréamont, Alain Bashung et Yvette Horner, Dominique A et Françoise Hardy… Il fallait trouver le réalisateur artistique qui puisse jouir de cette ambivalence dangereuse pour en faire une œuvre centrée. Renaud Letang a trouvé une fois de plus l’alchimie pour transcender la mélancolie de cette balance (non astrale) dans un disque beau et affuté.
Comme un sous-marin capable de jaillir de la profondeur des fonds marins se délestant de son spleen amoureux pour voguer à la surface d’un océan de sentiments lumineux et charnels. Un disque amphibie, imaginé et enregistré au studio Ferber dans une intimité nécessaire. Un disque de pop musique conçu comme un disque de hip-hop entièrement organique, joué, parfois improvisé. Letang limite les pistes et cherche dans chaque morceau l’intégrité immédiate.
Julien Doré est un garçon moderne qui saisit parfaitement les enjeux de la création. Alors il fonce, il avance, il sort de lui-même. Première chanson écrite ? « Golf Bon Jovi ». Le style est lapidaire. L’imaginaire aussi. Les hommes, les femmes et les voitures. Après, tout est question de jeu. Et c’est là que Julien Doré excelle. Il fait du Godard avec une petite chanson. Il réfléchit sur le tuning, transplante la chanson au cœur d’une « sub série » et on est bouleversé.
On rentre dans le ventre du disque. « Baie des anges », impressionnante cascade froide de mots monstres qui coupent et saignent la tentative autobiographique. Une sorte de « chant de Maldoror » ramené à un quotidien amoureux. Violence et passion. C’est tout le disque de Julien Doré. Comme « Glenn Close », magistrale mélodie sur une musique du complice Arman Méliès, où les mots de Julien Doré bousculent la pop française d’aujourd’hui. En affirmant son amour de la langue française il montre avec maestria qu’il ne faut pas avoir peur de nos mots et d’une langue qui porte le romantisme aux portes du surréalisme.
Il en est un peu de même avec la chanson écrite par Dominique A qui a attrapé un coup de soleil pour écrire « L’été summer », où l’on assiste aussi à la libération artistique de son géniteur. Un autre talent inné de Julien Doré : il libère ses complices ombrageux. Arman Méliès lâche prise et lui écrit un tube « qui colle au corps et à la peau », « Laisse Avril ». Julien Doré désinhibe tout ce qu’il touche. Les hommes comme les chansons.
Et c’est également le cas avec Philippe Katerine qui lui écrit « Homosexuel ». Ce texte dans la bouche d’un autre aurait pu devenir un exercice convenu. Ici il ressemble à une délicieuse petite fable, prétexte à une rencontre du troisième type entre Julien Doré et le poumon d’acier d’Yvette Horner. Là où les artistes se rencontrent se trouve toujours une chanson de Julien Doré.
« BB. baleine » en duo avec Françoise Hardy, sorte de prolongement en double croche d’un documentaire sur les ébats métaphysiques de la baleine. Les deux voix perchées se confondent pour poser une question simple : qui creuse autant le nez des baleines ? Il y a beaucoup d’enfance dans les chansons de Julien Doré. Mais pas d’innocence. Et il y a donc aussi beaucoup de chair. L’animal Doré est adulte et injecte la testostérone nécessaire pour faire un disque sexy. « Kiss me forever », encore une histoire de voiture qui conditionne un air rythmique pour affoler l’insouciance du sentiment amoureux.
Et à l’extrême inverse le magnifique « Bergman » en duo avec la poivrée Biyouna, résumé absolument impeccable d’un disque qui ressuscite sans nostalgie la sève d’une variété française seventies incarnée par la trilogie Christophe-Bashung-Ferrer, dandys en échappée solitaire sur la route escarpée qui mène à la frontière toujours surveillée de la patrie de Gainsbourg. Un éden pour Julien Doré.
http://www.myspace.com/juliendoremusic
WATERLLILLIES :
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