
DANIEL DARC + GREENSHAPE
Avec Daniel Darc, il y a toujours un vertige. Ce n’est pas seulement parce qu’il convoque des zéniths ou parce qu’il est remonté des abysses. C’est aussi une sensation horizontale : on le croit près de soi et soudain, on réalise qu’il s’est matérialisé là-bas au loin, là où les parallèles se rejoignent. Ce n’est pas seulement une histoire de Ciel et d’Enfer ; cet homme est un piéton d’infini. Il semble marcher à un pas d’humain, traverser la nuit parisienne ou arpenter une scène, boire un coup au comptoir ou répondre à une interview, alors qu’il fréquente chaque jour plus grand que tout cela – Dieu, la mort, le fatum, l’espoir, la rédemption, la damnation, le salut… On en connait d’autres qui étaleraient leurs cicatrices ou vous feraient feuilleter leur book de malheurs. Daniel, lui, fait des chansons. Évidemment, ce ne sont pas des petites babioles qui font tralala. On y croise des anges, des coupables, des ténèbres, des lueurs aveuglantes. On y sent la même foi drue que dans les murder ballads de l’Amérique folk, le même feu de vie et d’au-delà que chez ces soulmen au front cramé – les Marvin Gaye, les Otis Redding, les Al Green –, la même connaissance d’un Mal séduisant et dangereux que dans les complaintes de brigands d’avant Louis XVI… Daniel Darc revient donc périodiquement poser son sac de péchés et de pardons, d’extases et de peines, de drames et de plaisirs. Cela s’appelle un album. Celui-ci s’est écrit et enregistré dans l’urgence d’une complicité neuve avec Laurent Marimbert, pianiste, compositeur et réalisateur. « Il m’a été présenté par Christophe, le chanteur. Nous sommes tous les deux extrêmement timides et nous étions vraiment gênés. Alors je lui ai proposé de jouer quelque chose. Il s’est mis au piano, j’ai commencé à chanter des mots – c’était pas mal. On a décidé de se revoir… » Il en est résulté ce disque. Depuis qu’il est entré en musique, à l’aube des années 80, Daniel a toujours fonctionné de rencontre en rencontre. Ce furent d’abord les complicités au sein de Taxi Girl, un parcours de gloire et de drames. Puis la recherche, l’errance, les impasses, le marais, les fossés… Cette histoire-là ressemble facilement à une tragédie, jusqu’à ce qu’elle devienne un conte : en compagnie de Frédéric Lo, Daniel Darc écrit et enregistre Crèvecœur. La presse et le public célèbrent la résurrection de l’enfant perdu. À plus de quarante ans, Daniel est couronné par la victoire de la musique 2005 de la révélation. Amours suprêmes suit en 2008, avec notamment des featurings d’Alain Bashung et Robert Wyatt. Puis il faut inventer une nouvelle aventure. « J’avais envie de retrouver l’envie d’aller au studio, j’avais envie que la musique entre à fond, dit Daniel. Avec Laurent, nous avons eu les mêmes envies : faire la plus belle chanson de tous les temps, faire la chanson que l’on rêve d’entendre depuis toujours. Et alors on se fout de savoir de qui est chaque partie de chaque chanson. Pour la première fois de ma vie, je suis incapable de dire qui a fait quoi sur cet album, même si je suis censé être l’auteur et Laurent, le compositeur. » Certains textes sont improvisés en une seule prise, des refrains et des couplets sont découpés dans la masse, des jaillissements soudains sont ré-apprivoisés, des paroles très écrites mutent dans le studio. Daniel a toujours compté William Burroughs parmi ses références – le cut up, le fold in… Musicalement, toutes les bases sont posées live en studio par François Delfin aux guitares, Olivier Brossard à la basse et Philippe Entressangle à la batterie. Puis viennent des cordes, des vents, des cuivres, Jeff Assi au violoncelle, Benjamin Charavner aux mandolines, banjos et ukulélés… Mais Daniel a tenu à ce que les chansons conservent leur poids de tension, de fragilité, d’instinct ou de véhémence : « Je suis un être humain. C’est ma vie, c’est ma sueur. Je ne veux pas que ce soit propre, je ne veux pas que ça pue le savon. » Et, de fait, ça ne fleure pas l’after-shave de puceau. Des amours cabossées et sublimes, des filles qui surviennent comme l’orage sur un verger, des amis perdus depuis longtemps, des récits spirituels irradiés de vérité… L’album s’ouvre sur Ira, rencontre d’une force troublante : « Ça commence par un I/Ça s’termine par un A/Juste un R au milieu comme une erreur de Dieu » – « le meilleur refrain que j’ai écrit de ma vie », dit Daniel. Et tout s’achève par Sois sanctifié, méditation sur ce que signifie le pardon : « Et si tu avais commis tous les crimes/Gravi du vice les cimes/Une place à jamais te resterait ». Entre les deux, Daniel chante la vie – sa vie spectaculairement tavelée mais aussi la nôtre, si straight puissions-nous être. Il ricane sur les nostalgies des années 80 dans C’était mieux avant, il invite le film Les Enfants du Paradis dans La Taille de mon âme, il s’amuse d’évidences pathétiques dans Les Vœux de bonne année (« Les vœux de bonne année/D’année en année/Sont moins longs à rédiger/Moins nombreux à poster »), il démolit le glamour des mauvais garçons dans Les filles aiment les tatouages, il décrit le quiproquo classique de la love story ratée dans My Baby Left Me… Cela lui ressemble, évidemment. Extrême, fervent, doux, radieux, désespéré, secoué de larmes et ivre de générosité, habité par la mort et éperdu de vie. Ailleurs, cela s’appellerait blues, morna, lied, gospel, rebetiko. Ici, cette folie d’aimer s’appelle Daniel Darc.
GREENSHAPE :
Huit ans, genoux à terre face aux hauts parleurs du vieux poste Low Fi, les yeux , les oreilles écarquillées : And now please welcome Paul,John, Georges & Ringo… ! Premier K.O, auditif pour l’instant. Les parents parfois ça divorce, la mère garde le fils , Le père, sa bouteille et ses potes. Dès lors on change de ville, la mère rencontre un nouvel homme de sa vie, elle l’épouse. Celui-ci ramène dans ses valises chargées toutes les années soixante et soixante-dix, prêtes à être sacrifiées sur l’autel du Low FI. Led Zep, Johnny Cash , Uppercut en plein cœur. L’adolescence se pointe, la scène de Seattle aussi. Kurt Cobain , retour au tapis. Un noel arrive comme un autre , une guitare qui blesse les doigts , sortie en promo d’un supermarché du coin, se retrouve sous le sapin. Cadeau providentiel. On finit par sortir du cocon familial reconstitué tant bien que mal , prêt à exploser, avec l’idée de débarquer à la capitale et de devenir le Johnny Cash new age. . Un jour on a des nouvelles du géniteur, qui a trop joué de la bouteille et de la Winchester sur sa troisieme ou quatrieme femme, Jailhouse does’nt really rocks… On pense alors à la drogue et a l’alcool, on y goûte. Alors finir sur un ring , apprendre la vie à grand renfort de crochets au menton, ça aide, ça sauve même. Ça amène aux frontières du championnat de France , avant de céder pour une blessure idiote. Et c’est enfin Paris, la guitare dans des mains cassées sur des gueules de vrais durs, tout commence. Une première salle parisienne, le POP IN. Stéphane Gille de Sober&Gentle ( Cocoon, HeyHeyMyMy, Kid Bombardos) me paye une bière puis un album à enregistrer, m’emmène même avec lui à Austin,Texas. M’envoie ensuite à Malmö, Suède, pour enregistrer avec Tore Johansson ( Franz Ferdinand, Cardigans..) dans son bateau aux allures de Studio, ou peut être l’inverse. On se met au travail avec Tore et Martin, le pianiste surdoué. Les chansons grandissent soudainement et se mettent à vibrer comme jamais je n’avais osé l’imaginer. Mon entraineur me disait toujours « suffit d’y croire et ça marche »,Il avait raison, cet album en est le témoignage... Je m’appelle GreenShape.
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