LA GRANDE SOPHIE + EMILIE MARSH
LA GRANDE SOPHIE « CET INSTANT » Cet instant. Celui-là, en ce moment. L’unique instant, qui ne ressemble ni à celui d’avant, ni à celui d’après. Si La Grande Sophie a choisit d’intituler ainsi son huitième album studio, c’est parce qu’il s’enracine dans le présent, et que les sons d’aujourd’hui l’irriguent de bout en bout. Logique : depuis ses tout débuts, sur la scène alternative et débridée des années 90, la chanteuse n’a jamais cessé de se renouveler. Pour rester dans le présent, et devenir l’une des figures majeures d’une pop contemporaine et raffinée, où l’évidence des mélodies ne sacrifie jamais la profondeur des textes. Ce n’est pas un hasard si l’an dernier, Françoise Hardy a choisi Le Large, paroles et musiques de La Grande Sophie, comme titre emblématique de son retour gagnant. Cet instant marque une nouvelle étape : une remise en question et en danger. D’abord, et pour la première fois, Sophie a composé la majorité de ses titres au piano, laissant de côté son éternelle guitare, inventant des motifs musicaux nouveaux dans son univers. «Le piano m’a toujours attirée, mais je n’en ai acheté un qu’il y a deux ans. Je me suis mise à jouer d’instinct, en posant mes doigts sur le clavier sans trop savoir. En cherchant. C’était d’autant plus inspirant que je ne maîtrisais pas l’instrument. J’aime la fraîcheur de la découverte, l’excitation de la nouveauté et du challenge ». Mise en danger, encore, dans la production : La Grande Sophie a choisit de mêler acoustique et synthétique comme jamais encore elle ne l’avait fait. « Puisque cet album parle de l’instant présent, il était essentiel pour moi qu’il saisisse l’époque. On peut la capter par les mots, mais aussi par les sons, qui forment un discours musical à part entière. Ces chansons dessinent en quelque sorte une nouvelle collection, comme on le conçoit dans la mode ». En quête permanente de sons nouveaux, la chanteuse a travaillé cette fois avec un binôme de réalisateurs : Sayem, producteur électro (Sônge, Canine…), et Sébastien Berteau, qui s’est fait une spécialité des mélanges musicaux. « Nous nous sommes lancés dans une partie de ping-pong créatif, reprend Sophie. Je leur envoyais mes maquettes sous forme de fichiers en leur disant ce que je souhaitais, ils me renvoyaient leurs propositions, et nous avancions ainsi ». En résulte un album d’une grande richesse et d’une grande liberté : entre rythmiques métronomiques (Tu ne me reconnais pas) et ambiances quasi dance (Missive), se glissent un piano-voix (Où vont les mots ?), un a capela (Sur la pointe des pieds), et même un instrumental (Huis-clos). Quant à Une vie, il est sans doute, musicalement, le titre le plus emblématique de l’ensemble : son piano d’ouverture, autant mélodique que rythmique, est peu à peu rejoint par des nappes soutenues, jusqu’à ce que le refrain explose dans un groove enflammé mais précis, pétri de sons synthétiques. Ce désir farouche d’évoluer et de se bousculer soi-même, on le sent enfin dans l’interprétation. Plusieurs titres sont à mi-chemin entre le parlé et le chanté (Hier, Tu ne me reconnais pas, Une vie, Cet instant), sur le fil d’un flow rythmique qui va surprendre – même si on pouvait déjà en percevoir les germes sur Du courage. « De moi, on retient souvent la mélodie. Ce flow me permet de m’en détacher. C’est une exploration, une nouvelle façon de me présenter. Et puis j’avais envie qu’on s’attache davantage à ce que je dis dans ces chansons. » Et justement, que dit-elle ? Que sans cesse, chacun doit trouver ses repères dans une vie qui avance sans nous attendre. La Grande Sophie ne se place pas en observatrice détachée : c’est d’elle dont elle parle, au centre du tourbillon et de ces nouvelles chansons. Autoportrait plus assumé que dans le passé. Cet instant évoque les rides qui apparaissent, les liens qui se délitent, mais aussi les relations qui résistent au temps (pour la première fois, cette grande pudique dédie sans détour une chanson, Nous étions, à l’homme de sa vie). « Cet album est une prise de conscience. Il arrive l’année de mes cinquante ans qui est un cap, symbolique, mais aussi physique, pour beaucoup de femmes. Quand je regarde celle que j’étais à vingt ans, je ne peux que constater que j’ai changé. La vie est une perpétuelle transformation. J’aime l’urgence du présent. Ce disque est une célébration lucide de la vie ». Quant à son format, neuf titres – ce qui est court pour une musicienne si productive –, il ne doit rien au hasard mais reflète l’idée même de l’album. « Je voulais que le disque passe aussi vite que ce moment présent impossible à attraper. Un instant. Et qu’on arrive à son terme en se disant : déjà ? Tout comme dans la vie, quand nous regardons où nous en sommes, nous ne trouvons bien souvent rien d’autre à dire que cela : déjà... »
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